La liberté d’expression du salarié dans ses relations de travail avec l’employeur.

Le 20 avril 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation a tranché : le licenciement de l’animateur télé « Tex » ne constitue pas une atteinte excessive à la liberté d’expression (Soc. 20 avr.2022, n°20-10.852). Ayant proféré une blague jugée sexiste à une heure de grande écoute en 2017, l’animateur avait alors été limogé par la société de production pour faute contractuelle grave.

Introduction

La Cour de cassation a précisé ne pas s’ériger en juge de l’acceptable en matière d’humour grivois mais simplement de la violation d’un classique contrat de travail. En effet, l’animateur avait signé, dans le cadre de son contrat de travail, une clause d’éthique emportant le respect d’une charte institutionnelle interdisant « toute valorisation de la violence » et plus particulièrement du « sexisme » et de « l’atteinte à la dignité humaine ».

Quelles sont les limites du droit à la liberté d’expression dans les relations de travail entre le salarié et son employeur ?

 La protection de la liberté d’expression du salarié  

Par principe et sauf en cas d’abus, le salarié jouit au sein de l’entreprise mais également en dehors, de sa liberté d’expression (« Affaire Clavaud », Soc. 28 avr. 1988).

La liberté d’expression du salarié est garantie par différentes dispositions internes et internationales :

• L’article 10 de la Convention de Sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

• L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

• Pour un point spécifique sur la liberté d’expression en droit du travail, celle-ci est régie par les articles L.1121-1, L.2281-1 et L.2281-3 du Code du travail.

Est notamment exposée l’interdiction de motiver une sanction ou un licenciement sur l’opinion qu’un salarié émet dans l’exercice de son droit d’expression.

Les limites apportées à la liberté d’expression du salarié 

La liberté d’expression peut être limitée.

Des restrictions, tant qu’elles sont proportionnées au but recherché, peuvent être apportées à la liberté d’expression du salarié dans le but de protéger la réputation et les droits de l’employeur. A notamment été jugé proportionné au but recherché le fait pour l’employeur :

• de rappeler les obligations légales de discrétion en matière de secret de fabrication (CE, 1re et 4e SSR, 26 nov. 1990, n°96564) ;

• d’imposer à un salarié une clause de confidentialité lorsqu’elle est justifiée par l’intérêt de l’entreprise et proportionnée (Soc. 3 mai 2018, n°16-25.067) ;

• de subordonner à une autorisation de la direction la circulation d’une pétition, à certaines conditions (CE, 11 juill. 1990). La liberté d’expression ne peut toutefois dégénérer en abus. Constitue en ce sens un abus et justifie le licenciement le fait pour un salarié :

• de diffuser un courriel dénigrant un supérieur de l’entreprise aux autres salariés (Soc.28 mars 2012, n°11-10.513) ;

• d’utiliser des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs dans une intention de nuire (Soc. 29 avr. 2009, n°07-44.798);

• de proférer des réflexions déplacées sur le physique de ses collègues féminines (CA Lyon, 07-02-2020, n° 17/08597).

La liberté d’expression du salarié sur les réseaux sociaux

Le droit à la liberté d’expression du salarié s’étend aussi aux réseaux sociaux mais celui-ci n’est pas sans borne et il est parfois compliqué de faire la différence entre ce qui relève de la sphère privée et la sphère publique.

La Cour de cassation (Soc. 12 sept. 2018, n°16-11.690) a mis en place deux critères à prendre en considération pour que le salarié soit protégé : la correspondance litigieuse doit avoir été effectuée au sein d’un groupe privé et diffusée à un nombre de personnes restreint.

Quelques jurisprudences chiffrées pour vous aider à délimiter la liberté d’expression de l’abus de droit du salarié :

• Ne peut être licencié pour faute lourde le salarié dont la correspondance a été diffusée sur un compte Facebook accessible aux seules personnes agréées pour lui et composant un groupe fermé de 14 personnes (Soc. 12 sept. 2018, n°16- 11.690) ;

• Le salarié, dont le contrat de travail intégrait spécifiquement une clause de confidentialité, qui publie une photographie du défilé de la collection 2015 sur son compte privé Facebook comptant plus de 200 « amis » professionnels de la mode, peut être licencié pour faute grave (Soc. 30 sept. 2020, n°19-12.058) ;

• Commet également une faute le salarié qui laisse publier sur sa page Facebook, accessible à tous, des propos injurieux ou outranciers portant préjudice à son employeur (CA Angers, ch. Prud’homale, 7 avr. 2022, n°19/00537).

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