Guide : le retour en France du salarié expatrié

Les cadres prisent la mobilité internationale offerte par l’employeur. Ce dernier fonde son marketing RH sur la possibilité offerte à ses talents en soif de grand large de goûter à une carrière internationale. Mais si l’affectation d’un salarié à un poste à l’étranger présente toujours les attributs d’une promotion pour celui-ci, elle représente aussi une prise de risque pour l’employeur.

S’agissant de la relation juridique entre le salarié et l’employeur, la mobilité peut prendre deux formes :

 

  •  Le salarié conserve son contrat de travail de droit français et se voit détacher temporairement au sein de la filiale étrangère, le retour dans le pays de son employeur est par principe dès l’origine envisagé ;

 

  • Il est expatrié, auquel cas il accepte la signature d’un nouveau contrat de travail avec la filiale étrangère, et la question du retour se pose.

 

Cette problématique du retour du salarié alimente le contentieux en droit du travail.. Le salarié craint d’avoir sacrifié à son ambition internationale les droits sociaux que lui confère le code du travail français. L’employeur est tenté de maximiser le pilotage de ses coûts sociaux en cédant à la facilité de conclure un contrat en droit local.

 

Il est donc primordial de considérer méthodiquement les conditions du détachement du salarié à l’étranger pour mieux en anticiper conséquences.

 

Le contrat de travail et la convention collective sectoriellement applicable peuvent stipuler les conditions de retour du salarié dans son pays employeur.

 

L’intérêt du droit social de l’expatriation repose surtout sur l’hypothèse d’un licenciement et des responsabilités induites par le licenciement.

 

Le droit au retour du salarié au sein de son entreprise d’embauche initiale peut découler de l’article 1231-5 du code du travail, qui dispose :

 

 « Lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein.

 

Si la société mère entend néanmoins licencier ce salarié, les dispositions du présent titre sont applicables. »

 

Qu’il s’agisse d’un détachement temporaire ou plus marginalement d’une expatriation, le salarié peut bénéficier d’un droit au retour au sein de la société mère par le biais de ces dispositions légales.

 

I. Hypothèse du détachement temporaire au sein d’une filiale étrangère impliquant l’obligation de retour du salarié en cas de licenciement

 

Dans cette hypothèse, le salarié est toujours lié par un contrat de travail avec la société mère française :

 

  • Soit le salarié a accepté une modification de son contrat de travail pour être détaché à l’étranger ;
  • Soit figure dans le contrat de travail initial une clause de mobilité internationale ;
  • Soit le salarié a accepté de signer un second contrat de travail avec une filiale étrangère tout en maintenant son contrat conclu avec la société mère française.

 

Les conséquences dudit licenciement sont prévues soit contractuellement, soit légalement.

 

En effet, le plus souvent au sein du contrat de travail ou de la convention collective du salarié, sont prévues des clauses de rapatriement et de réintégration au sein de l’entreprise française.

 

À défaut de bénéficier de telles clauses au sein de son contrat de travail, le salarié en détachement temporaire bénéficie du régime de l’article L1231-5 du code du travail précité.

 

En revanche, la protection offerte par ces dispositions légales est moins évidente pour le salarié expatrié de manière permanente ; c’est l’occasion de détailler les conditions d’application de l’article 1235-1 du code du travail.

 

II. L’hypothèse du salarié expatrié

 

Dans cette hypothèse, le salarié a accepté de démissionner ou a donné son accord pour une rupture amiable de son contrat de travail avec la société mère française afin de conclure librement un nouveau contrat de travail avec la filiale étrangère, régi par le droit local.

 

Quels sont les droits du salarié si la filiale étrangère le licencie ?

 

Certes, en apparence, le salarié a accepté le risque de licenciement et paraît ne plus rien pouvoir exiger de la société française d’origine.

 

Toutefois, l’article L1231-5 du code du travail précité, obligeant la société d’origine à rapatrier et réintégrer le salarié, pose un régime protecteur du salarié.

 

Le bénéfice par le salarié du régime de l’article L. 1231-5 du Code du travail suppose la réunion des trois conditions cumulatives suivantes aux fins de rapatriement et de reclassement. Le régime se veut protecteur pour le salarié expatrié et exigeant pour la société employeur.

 

1. Les nouvelles relations contractuelles sont soumises au droit français

 

Les parties peuvent choisir de recourir volontairement au droit français au sein du nouveau contrat de travail (Cour de cassation, Chambre sociale, 7 novembre 2018, 16-27.692, Publié au bulletin).

 

À défaut, le droit applicable est celui dit du lieu habituel d’exécution du contrat de travail, peu importent donc la nationalité et la localisation des sociétés en cause.

 

Par conséquent, dans notre hypothèse d’expatriation, si le contrat ne précise pas que le droit applicable est le droit français, le droit applicable sera selon toute vraisemblance celui du pays d’accueil du salarié expatrié, auquel cas le salarié ne pourra pas bénéficier de l’article 1231-5 du code du travail.

 

2. Il persiste une relation de subordination entre le salarié et la société française d’origine

 

Dans l’hypothèse envisagée, dans laquelle le contrat de travail initial a été rompu, il apparaîtrait évident que le lien de subordination entre la société mère et le salarié expatrié aurait disparu.

 

Toutefois, la jurisprudence retient, pour l’application de l’article 1231-5 du code du travail, que ce lien subsiste dès lors que la société mère exerce une direction ou un contrôle économique sur sa filiale étrangère.

 

La société mère sera considérée comme l’employeur du salarié alors même que le contrat les liant a été rompu, dès lors que la filiale étrangère est dirigée ou contrôlée économiquement par la société mère (Cour de cassation, Chambre sociale, 1er juillet 2020, 18-24.011, Inédit).

 

Par conséquent, l’article 1231-5 du code du travail peut trouver application dès lors que la société mère dispose d’une participation financière suffisante au sein de sa filiale et exerce un pouvoir de direction opérationnelle établi.

 

3. Le contrat de travail entre le salarié et la filiale a été rompu

 

Cette rupture peut prendre diverses formes : peu importe qu’il s’agisse d’un licenciement pour faute simple, grave ou lourde dans la mesure où l’article 1231-5 du code du travail n’apporte aucune restriction sur ce point.

 

III. Effets de l’article 1231-5 du code du travail

 

La société mère soumise se trouve ainsi obligée de rapatrier le salarié et de le reclasser.

 

1. Obligation de rapatriement

 

La société mère a l’obligation de mettre à disposition un moyen de transport pour le retour du salarié, ou à tout le moins, de prendre à son compte les frais de retour du salarié.

 

Ces frais incluent logiquement le retour des meubles du salarié.

 

Enfin, le salarié pourra être indemnisé au titre de ses frais de séjour à l’étranger s’il ne peut pas, pour des raisons indépendantes de sa volonté, rentrer immédiatement en France.

 

2. Obligation de reclassement

 

L’article 1231-5 du code du travail dispose que le salarié doit bénéficier au sein de la société mère « d’un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions ».

 

Par conséquent, l’emploi de référence est l’emploi occupé précédemment au sein de la société mère et non l’emploi occupé au sein de la filiale (Cour de cassation, Chambre sociale, 19 octobre 2017, 16-18.854, Inédit).

 

En d’autres termes, le salarié pourra se trouver reclassé à un niveau hiérarchique ou technique moindre comparativement au poste qu’il occupait à l’étranger.

 

Néanmoins, certaines conventions collectives imposent à la société mère de prendre en considération l’emploi occupé à l’étranger pour le reclassement du salarié réintégré (Cour de cassation, Chambre sociale, 9 janvier 2019, 17-24.036, Inédit).

 

3. À défaut de respecter ses obligations légales, la société-mère s’expose à une condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cour de cassation, Chambre sociale, 23 janvier 2019, 17-17.244, Inédit)

 

Toutefois, l’obligation de reclassement est une simple obligation de moyens.

 

En cas d’impossibilité de reclassement, l’employeur devra donc notifier le licenciement au salarié et le motiver.

 

Les juridictions françaises s’attacheront donc à déterminer si le licenciement a une cause réelle et sérieuse.

Brice BARNAY<br>Avocat à la Cour – Droit économique et social
Brice BARNAY
Avocat à la Cour – Droit économique et social
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